Dorothea Lange est une figure incontournable de la photographie documentaire. Son objectif a capturé les visages de la misère et de la résilience avec une humanité saisissante. De la Grande Dépression à l’internement des Américains d’origine japonaise durant la Seconde Guerre mondiale, ses clichés ont façonné notre mémoire collective. Découvrez dans cet article son parcours fascinant, qui est aussi le sujet du nouvel épisode de mon podcast.
Une jeunesse marquée par l’épreuve
Née en 1895 à Hoboken, aux États-Unis, Dorothea Lange grandit dans un environnement modeste. À sept ans, elle contracte la poliomyélite, une maladie qui la laisse boiteuse à vie. À 12 ans, elle subit un autre choc : son père abandonne la famille.
Lange découvre la photographie à l’adolescence et suit des cours à l’université Columbia. Mais c’est un imprévu qui change son destin : lors d’un voyage, elle est dépouillée de son argent à San Francisco et est forcé de s’y installer. Travaillant d’abord dans un comptoir photo, elle ouvre bientôt son propre studio de portraits, fréquenté par une clientèle aisée. Sa carrière est lancée.

Dorothea Lange (1920)

Dorothea Lange (1928)

Dorothea Lange (1934)
La Grande Dépression : un tournant décisif
Le krach boursier de 1929 plonge les États-Unis dans une crise sans précédent. Depuis son studio, Lange observe les rues de San Francisco se remplir de sans-abris. En 1932, elle sort avec son appareil photo et immortalise la détresse des « blessés qui marchent ». Sa sensibilité attire l’attention de Paul S. Taylor, sociologue spécialisé dans le travail agricole. Ensemble, ils documentent l’exode des travailleurs migrants fuyant le Dust Bowl, un désastre écologique.
C’est dans ce contexte qu’elle capture sa photographie la plus célèbre, Migrant Mother (1936), portrait d’une mère épuisée et de ses enfants affamés. L’image devient le symbole des souffrances de l’époque et suscite une vague de solidarité nationale.

Dorothea Lange (juil. 1937)

Dorothea Lange (déc. 1935)

Dorothea Lange (1936)

Dorothea Lange (1939)

Dorothea Lange (1940)

Dorothea Lange (1937)

Dorothea Lange (1937)

Dorothea Lange (1939)

Dorothea Lange (vers 1935)
Seconde Guerre mondiale : entre propagande et contestation
vec l’entrée en guerre des États-Unis après l’attaque de Pearl Harbor, Lange est recrutée par l’Office of War Information. Sa mission : documenter l’effort de guerre. Elle photographie les chantiers navals de Richmond, où travailleurs de toutes origines participent à la production militaire.
Mais c’est son travail sur l’internement des Américains d’origine japonaise qui marque un tournant. En 1942, elle est envoyée au camp de Manzanar pour capturer la réalité des familles emprisonnées. Ses photos, loin de la propagande attendue, révèlent des conditions de vie indignes. Jugées trop critiques, elles sont immédiatement censurées par le gouvernement et ne seront publiées qu’en 2006.

San Francisco,
Dorothea Lange (1942)

Dorothea Lange (7 avril 1942)

Dorothea Lange (1942)

Kimiko Kitagaki, young evacuee guarding the family baggage prior to departure,
Dorothea Lange (6 mai 1942)

Evacuees of Japanese ancestry from the rich agricultural district in Woodland,
Dorothea Lange (20 mai 1942)

Dorothea Lange (1942)

Dorothea Lange (1942)

Dorothea Lange (1942)
Après-guerre : une reconnaissance tardive
L’après-guerre voit Lange s’éloigner temporairement de la photographie pour des raisons de santé. Dans les années 1950, elle revient avec des reportages sur les banlieues américaines, dénonçant les inégalités raciales et sociales. Elle collabore avec Life Magazine et voyage en Irlande pour documenter la vie rurale.
En 1957, elle réalise son dernier grand reportage, Public Defender, qui met en lumière les injustices du système judiciaire américain. Son regard engagé ne faiblit pas, jusqu’à son décès en 1965.

Dorothea Lange (1955-57)

Dorothea Lange (1955-57)

Dorothea Lange (1955-57)
Aujourd’hui, le travail de Dorothea Lange est reconnu comme un témoignage inestimable de l’histoire américaine. Ses images, notamment ceux de la Grande Dépression et de Manzanar, sont étudiés pour leur puissance narrative et leur rôle dans la prise de conscience sociale. Son influence se ressent toujours dans la photographie contemporaine.
Dorothea Lange nous rappelle que la photographie est plus qu’un art : c’est un outil de vérité et de mémoire. Si son histoire vous intrigue, ne manquez pas l’épisode dédié sur mon podcast, où nous explorerons en profondeur son œuvre et son héritage.