Élodie Bonin

As-tu déjà entendu parler de Gertrude Käsebier, cette femme audacieuse qui a révolutionné la photographie au tournant du XXe siècle ? Photographe incontournable du mouvement pictorialiste, elle a utilisé son appareil pour capturer l’intimité et la force des femmes, tout en bousculant les codes artistiques de son époque.

Dans cet épisode de Nicéphore, je t’invite à plonger dans l’univers fascinant de cette pionnière. Ses portraits, empreints de tendresse et de spiritualité, célèbrent la beauté des relations humaines, tout en mettant en lumière des femmes affirmées et modernes. Avec sa technique remarquable et sa vision profondément humaniste, Käsebier a redéfini la place des femmes dans l’art et dans la société.

Née en 1852, Gertrude Käsebier grandit à Brooklyn après la mort de son père. Sa mère assure son éducation, un privilège rare pour une fille à l’époque. Mariée à 22 ans, elle vit un mariage difficile, marqué par son désir d’indépendance artistique. Un voyage en Europe en 1886 marque un tournant, lui permettant d’explorer l’art et de s’affranchir des contraintes familiales.

Un parcours artistique et une reconnaissance internationale

De retour à New York en 1890, Käsebier s’initie à la photographie, qu’elle considère comme un art. En 1894, elle ouvre un studio sur la 5ᵉ Avenue, se spécialisant dans les portraits intimes, notamment de célébrités. En 1902, elle rejoint le mouvement de la Photo-Secession d’Alfred Stieglitz et publie dans Camera Work, consolidant sa place dans l’histoire de la photographie.

Thèmes majeurs de son œuvre

Portraits : Le portrait constitue une part essentielle de son œuvre, qu’il s’agisse de célébrités ou de femmes et d’enfants issus de la haute société. Parmi ses portraits les plus célèbres figure celui de Miss Evelyn Nesbit (1903), publié dans le premier numéro de Camera Work

Condition féminine : Marquée par sa propre expérience et la figure maternelle forte de son enfance, Käsebier dépeint la maternité et la condition des femmes avec une profondeur symbolique. Ses œuvres, comme The Heritage of Motherhood (1904), explorent la maternité et critiquent les rôles sociaux imposés aux femmes.

Portraits des Sioux : En 1898, Käsebier rencontre la troupe du Buffalo Bill’s Wild West Show et commence à photographier des membres de la tribu Sioux. Contrairement aux stéréotypes véhiculés par le spectacle, elle cherche à révéler leur humanité et leur dignité.

Une femme engagée pour les femmes

Première femme enseignante au Pratt Institute en 1904, Käsebier forme et soutient de nombreuses photographes. En 1910, elle fonde la Women’s Federation de la Photographic Association of America. Cette fédération, première en son genre, offre un réseau de soutien, des espaces d’échange et d’exposition, permettant aux femmes photographes de partager leurs expériences et de revendiquer leur place dans la profession.

Héritage et distinctions

Première femme membre du Linked Ring en 1911, elle expose dans des lieux prestigieux, remportant la médaille d’or à l’Exposition Universelle de Saint-Louis (1904).

Gertrude Käsebier décède le 12 octobre 1934, à 82 ans. Bien que son œuvre ait été temporairement éclipsée par l’avènement du modernisme, elle retrouve sa place grâce au féminisme des années 1970. Aujourd’hui, ses œuvres sont conservées dans des institutions prestigieuses comme le MET, le MoMA et le Musée d’Orsay.

Son influence perdure à travers des figures telles qu’Imogen Cunningham, Dorothea Lange ou encore Tina Modotti. En retraçant ses défis, ses réussites et sa vision, Käsebier reste une source d’inspiration pour toutes les femmes photographes.

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