Élodie Bonin

Hidden Mothers

les premières photos de nourrissons

Le genre photographique des Hidden Mothers suscite un intérêt grandissant depuis sa redécouverte au début des années 2000. Genre photographique du XIXᵉ siècle, il définit des mères, dissimulées derrière un voile ou un tissu, tenant leur enfant dans les bras. Popularisé notamment par les recherches de Lee Marks et John Despres en 2005, ce genre étrange et intrigant pose de nombreuses questions, à la fois techniques, symboliques et sociales. Pourquoi ces femmes sont-elles cachées ? Quel message se cache derrière cet effacement ? Cet épisode explore les hypothèses et significations entourant ce genre méconnu, qui révèle autant sur les pratiques photographiques que sur la place de la femme au XIXᵉ siècle.

En 2005, Lee Marks et son mari publie « The Hidden  Presence », traitant de l’existence d’un nouveau genre photographique : The Hidden Mothers. Le couple s’interroge sur de nombreux points qui aideront à de futurs recherches  :

  • Les adultes sont-ils réellement les parents de l’enfant ?
  • Ce genre photographique était-il spécifique à une catégorie d’enfant ? 
  • Pourquoi ne montrait-on pas le visage des « mères » ? 
  • L’effacement de la mère est-elle un choix signification de la place de la femme au XIX° siècle ?

Depuis 2006, Linda Fregni Nagler  collectionne les Hidden Mothers. En 2013, elle expose 997 photographies à la 55ème Biennale de Venises. La scénographie de l’exposition aurait occupée 57 mètre de longueur. Le catalogue de l’exposition recense les 1002 photographies collectionnées par Linda Fregni Nagler, représentant 1930 enfants et leurs mères.

UNE QUESTION TECHNIQUE

Depuis 1838, les professionnels ont eu recourt à l’opium pour calmer les enfants lors de la prise de vue.

Mais pour des questions de santé, les adultes ont remplacé l’opium. Cette technique a aussi été utilisé pour la photographie d’animaux domestique, ainsi que pour la photographie post-mortem infantile.

LA PHOTO SOUVENIR

Les historiens ont remarqué que les Hidden Mothers étaient un moyen d’immortaliser les nouveaux baptisés. Cela explique pourquoi les images sont conservées précieusement dans des cadres et étuie.

Les photos sont également réalisées au format carte de visite, certainement pour un envoi postal aux proches absents qui n’ont pas encore rencontré le nouveau-né.

Museum of Fine Arts, Boston, Gift of Lee Marks and John C. DePrez, Jr. (2019.1879)

POURQUOI CACHER LA MÈRE ?

La raison spirituelle : Vis à vis de leurs croyance religieuse, les femmes seraient gênées de se faire photographier dans la pose des « Vierges à l’enfant ».
La raison familiale : Les mères voulaient certainement se cacher pour aider leurs proches à créer un lien plus fort encore avec les enfants.
La raison sociale : Selon les historiens, cacher la femme accentuerait le fait qu’elle n’était pas digne d’attention.

POURQUOI MONTRER LES AVOIR CACHÉ ?

L’hypothèse maternelle : Selon Laura Larson, la mère se cache pour symboliser le sacrifice de sa vie.
L’hypothèse d’auto-humiliation : Pour Jeffrey Batchen, il s’agirait d’un effacement affirmant l’importance de l’enfant dans le cadre.
L’hypothèse de momification : Massimiliano Gioni suggère que le genre des « mères cachées » avait pour but de préparer la mère à la mort.
L’hypothèse culturelle : Lee Marks et John Despres supposent que les photographes n’avaient tout simplement pas la même interprétation et perception iconographique que nos contemporains.

Museum of Fine Arts, Boston, Gift of Lee Marks and John C. DePrez, Jr. (2019.1855)

S’AGIT-IL DES MÈRE ?

À l’époque, un enfant se faisant prendre en photo pouvait facilement être terrifié. Il est donc facilement imaginable qu’e la mère avait un rôle de réconfort. Dans ce cas, un homme (père ou assistant) déguisé en femme aurait pu tenir l’enfant. Il est, cependant, impossible d’en faire une généralité, l’hommes pouvant tenir l’enfant dans le cas où la mère est morte en couche.

DES IMAGES EFFRAYANTES

Perçu comme morbide, étrange et angoissant, cacher la mère revient à inciter le spectateur à imaginer ce qui ce cache sous ce drap, et notre imagination peut parfois aller très loin.

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