Eugène Atget et Berenice Abbott, deux noms qui résonnent dans l’histoire de la photographie. Lui, témoin du vieux Paris, a immortalisé la capitale avant sa transformation. Elle, fascinée par son travail, a non seulement sauvé son œuvre de l’oubli, mais a aussi appliqué ses méthodes à New York, documentant sa modernisation fulgurante. Découvrez comment ces deux destins, séparés par le temps et l’océan, se sont croisés pour marquer à jamais l’histoire de l’image.
Eugène Atget : L’archiviste du vieux Paris
Né en 1857 à Libourne, Eugène Atget mène d’abord une vie de bohème. Après une brève carrière théâtrale, il se tourne vers la photographie en 1888. Son objectif ? Fournir des « documents pour artistes », en capturant le Paris d’antan, ses ruelles pavées, ses marchés populaires et ses boutiques pittoresques.

Pendant 30 ans, il sillonne la capitale avec son appareil à soufflet, développant ses images sur des plaques de verre. Son travail dépasse rapidement son ambition initiale : il devient le grand témoin de la disparition du Paris pré-haussmannien. Pourtant, de son vivant, il reste dans l’ombre, vendant ses clichés à quelques institutions et artistes curieux.






La rencontre décisive avec Berenice Abbott
En 1925, à 70 ans, Atget fait une rencontre qui changera le destin de son œuvre. Assistante du surréaliste Man Ray, la jeune photographe américaine Berenice Abbott découvre ses clichés et tombe sous le charme de ce Paris figé dans le temps. Une amitié naît entre eux, mais deux ans plus tard, Atget décède, laissant derrière lui un immense héritage photographique.

Abbott, consciente de l’importance de cette œuvre, rachète une grande partie de ses négatifs et tirages. Déterminée à faire connaître Atget au monde entier, elle publie en 1930 une monographie qui révèle enfin son génie au grand public.
Berenice Abbott et la métamorphose de New York
De retour aux États-Unis, Berenice Abbott trouve une ville en pleine mutation. Les gratte-ciel poussent à une vitesse fulgurante, remplaçant les vieux quartiers. Inspirée par la démarche d’Atget, elle entreprend alors son propre projet documentaire, immortalisant un New York en pleine transformation.






Son ambition ? Capturer la cohabitation entre l’ancien et le moderne, entre les bâtiments en grès rouge et les tours d’acier et de verre. Son travail aboutit en 1939 avec la publication de Changing New York, une œuvre monumentale qui deviendra une référence de la photographie documentaire.
Une vision novatrice et engagée
Abbott ne s’arrête pas là. Passionnée par l’évolution de la science et de la technologie, elle devient photographe scientifique au MIT, développant de nouvelles techniques visuelles pour illustrer les phénomènes physiques. Son engagement pour la photographie comme outil de connaissance et de progrès marque un tournant dans sa carrière.
En parallèle, elle s’impose comme une figure féminine forte et indépendante dans un milieu encore dominé par les hommes. Proto-féministe assumée, elle milite pour que les femmes puissent s’émanciper à travers l’art et la photographie.






Grâce à Abbott, Eugène Atget est aujourd’hui reconnu comme un pionnier de la photographie documentaire. Son influence se retrouve chez des générations de photographes, fascinés par son regard unique sur le réel.
Abbott, quant à elle, a laissé une trace indélébile dans l’histoire de l’image. Son travail sur New York et la science continue d’inspirer. En 1968, le MoMA de New York acquiert l’intégralité de la collection Atget qu’elle avait préservée, scellant définitivement leur héritage commun.

